Parent F, Jouquan J. Comment élaborer et analyser un référentiel de compétences en santé. Une clarification conceptuelle et méthodologique de l’approche par compétences, Bruxelles 2015 : De Boeck

Encadré 8 – page 90

L’excellence : «Qu’est-ce que l’excellence ?»

ou «comment vient-elle ?»

La philosophie grecque, et notamment celle d’Aristote, fournit une porte d’entrée réflexive particulièrement féconde vers la notion d’excellence. Il pourrait ainsi être utile de réfléchir aux pratiques professionnelles en articulant la conception contemporaine du concept de compétence avec une perspective historique nettement plus ancienne. Pour Aristote, en effet, non seulement l’excellence s’apprend (au sens où elle est le produit de l’éducation), mais elle se pratique :

« Avancé en âge, Socrate pensait que la fin est de chercher à connaître l’excellence et il enquêtait : qu’est-ce que la justice, qu’est-ce que le courage, qu’est-ce que chacune des parties de l’excellence ? Il avait raison de le faire, puisqu’il pensait que les excellences sont toutes des sciences, de sorte qu’il faisait coïncider la justice et être juste (de fait, dès que nous avons mené à terme l’apprentissage de la géométrie ou de l’architecture, nous sommes architectes ou géomètres). Voilà pourquoi il se demandait “qu’est-ce que l’excellence ?” et non : “comment vient-elle ?” ; “de quoi vient-elle ?” Mais cela ne vaut que pour les sciences théorétiques. L’astronomie, la science de la nature, la géométrie n’ont aucune autre fin que de connaître et de contempler la nature des objets de ces sciences (rien n’empêche malgré tout que ces sciences puissent, par accident, nous aider souvent à satisfaire aux nécessités). En revanche, les sciences productrices ont une autre fin que le savoir et la connaissance : par exemple, la santé est une fin, différente de la science médicale elle-même ; la bonne législation est différente de la science politique. Il est beau, certes, d’avoir aussi la connaissance de chacune des belles choses mais dans le cas de l’excellence, ce n’est pas savoir ce qu’elle est qui vaut le plus, mais savoir de quoi elle vient. Ce que nous voulons, ce n’est pas savoir ce qu’est le courage, mais être courageux, ce n’est pas savoir ce qu’est la justice, mais être juste, tout comme nous voulons être en bonne santé plutôt que de connaître ce qu’est la santé et nous voulons nous trouver en bon état plutôt que de savoir ce qu’est un bon état [...]. »

Sur un plan épistémologique, si l’on admet que la notion de compétence introduit des liens fructueux entre savoirs et pratique, la question posée de son enseignement et de son apprentissage nécessite ainsi de caractériser et d’intégrer la qualité en tant que pratique. C’est notamment ce qui caractérise la compétence en tant que savoir-agir adéquat et la différencie de la seule connaissance.

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