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Parent F, Jouquan J. Comment Žlaborer et analyser un rŽfŽrentiel de compŽtences en santŽ. Une clarification conceptuelle et mŽthodologique de lĠapproche par compŽtences, Bruxelles 2015 : De Boeck

 

EncadrŽ 10 – page 109

 

 

 

 

Le concept de reliance :
un autre Žclairage autour de la notion de compŽtence

 

 

Un premier Žclairage du concept de reliance a ŽtŽ dŽveloppŽ au regard du processus de construction dĠun curriculum (cf. encadrŽ Ç Le concept de reliance : un premier Žclairage È, p. 26).

 

La notion de reliance permet Žgalement une lecture ouverte et intŽgrative du concept de compŽtence. Pour argumenter ce point de vue, il est nŽcessaire de reprendre la perspective dĠintŽgration des savoirs que le concept de compŽtence favorise. Cette analyse a dŽjˆ ŽtŽ en partie dŽveloppŽe dans un prŽcŽdent ouvrage.

 

DĠune part, le concept de compŽtence relie les connaissances dŽclaratives aux connaissances dĠaction, et les met en lien ˆ la fois avec des savoirs savants et des savoirs expŽrientiels. Dans une perspective de formation professionnelle, les connaissances sont en effet considŽrŽes comme fonctionnelles quand elles sont intŽgrŽes au sein de schŽmas opŽratoires, en lien avec les capacitŽs dĠune personne ˆ mettre en acte ces connaissances et ˆ les mobiliser en situation.Derrire toute compŽtence, il y a des Ç savoirs thŽoriques È et des Ç savoirs pratiques È. En offrant un cadre conceptuel et opŽrationnel pour identifier de tels savoirs en situation, la notion decompŽtence accrŽdite lĠutilitŽ sociale des uns et des autres ; en tant Ç quĠopŽrateur de reliance È, elle offre la possibilitŽ de dŽpasser le hiatus entre thŽorie et pratique, et Ç sublime È, en quelque sorte, les diffŽrents savoirs. Elle permet, par exemple, dĠaccueillir ˆ leur juste place au sein des curriculums en santŽ les savoirs expŽrientiels, construits par les patients au cours de lĠexpŽrience phŽnomŽnologique que constitue la confrontation ˆ un problme de santŽ.

 

DĠautre part, le concept de compŽtence permet de relier diffŽrents domaines de savoirs et dĠactivitŽs, en reconnaissant la complexitŽ des situations. Les compŽtences dont il est question dans cet ouvrage dŽpassent ainsi trs largement le niveau des habiletŽs ou capacitŽs procŽdurales (skills), auquel elles sont parfois restreintes. Les ressources en jeu font rŽfŽrence ˆ des savoirs issus de domaines variŽs, cognitif mais aussi Žmotionnel ou relationnel, dŽveloppŽs souvent au sein de champs disciplinaires diffŽrents. Les neurosciences et la psychologie des Žmotions dŽmontrent, par exemple, les liens Žtroits entre le champ de la cognition et celui des Žmotions au cours de nombreuses activitŽs mentales, et notamment au cours de la prise de dŽcision. Alors que la formation mŽdicale traditionnelle prescrivait de Ç laisser les Žmotions ˆ la porte de lĠh™pital È, au motif quĠelles nĠŽtaient quĠune forme de dŽsordre psychologique, on considre dŽsormais que les Žmotions sont adaptatives et optimisent notre fonctionnement cognitif. La notion de compŽtence Žmotionnelle permet alors de prendre en compte cet Žclairage, et de le traduire opŽrationnellement au moment de la dŽfinition des objets dĠenseignement et dĠapprentissage dans les curriculums en santŽ.

 

Dans cette double perspective, lĠadossement des compŽtences ˆ une taxonomie appropriŽe, qui rend compte ˆ la fois des activitŽs professionnelles et des phŽnomnes dĠapprentissage, se rŽvle essentiel. Il sĠagit dĠabord de considŽrer, comme lĠindique Rey, que Ç la compŽtence [...] ne se rŽduit pas ˆ la rŽaction immŽdiate face ˆ une situation [et quĠelle] comporte une prise de distance par rapport ˆ la situation, ˆ la fois par rŽfŽrence ˆ des savoirs qui offriront les moyens conceptuels de lĠinterprŽter et par une pratique de problŽmatisation qui permettra ˆ la fois dĠinterroger la situation et la conception spontanŽe que sĠen fait le sujet È. Il sĠagit, en corollaire, de permettre la reliance entre les divers domaines (dans une perspective dĠouverture aux savoirs) et les diffŽrents niveaux de ma”trise des savoirs (dans une perspective dĠassimilation des savoirs en contexte authentique).

 

Ë ces conditions alors, la notion de compŽtence offre incontestablement un cadre pour penser la reliance, au sens o le prŽcisait encore Edgar Morin :

 

Ç Le mode de pensŽe ou de connaissance parcellaire, compartimentŽ, monodisciplinaire, quantificateur, nous conduit ˆ une intelligence aveugle, dans la mesure mme o lĠaptitude humaine normale ˆ relier les connaissances sĠy trouve sacrifiŽe au profit de lĠaptitude non moins normale ˆ sŽparer.

Nous devons penser lĠenseignement ˆ partir de la considŽration des effets de plus en plus graves de lĠhyperspŽcialisation des savoirs et de lĠincapacitŽ ˆ les articuler les uns aux autres.

LĠhyperspŽcialisation empche de voir le global (quĠelle fragmente en parcelles) ainsi que lĠessentiel (quĠelle dissout). Or les problmes essentiels ne sont jamais parcellaires et les problmes globaux sont de plus en plus essentiels [...]. La prŽvalence disciplinaire, sŽparatrice, nous fait perdre lĠaptitude ˆ relier, lĠaptitude ˆ contextualiser, cĠest-ˆ-dire ˆ situer une information ou un savoir dans son contexte naturel. È

 

 

 

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